L'étau se reserre autour de l'ex-président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, dont l'avenir est désormais entre les mains de la chambre haute du Parlement congolais.
Le Sénat a examiné jeudi 15 mai 2025, la demande de levée d’immunité sénatoriale de l’ancien président Kabila. Accusé par les autorités congolaises d'être le co-fondateur du mouvement insurrectionnel Alliance Fleuve Congo (AFC), branche de M23, un groupe de rebelles, soutenu par le Rwanda, menant une campagne de terreur contre la population civile dans l'Est de la RDC, Kabila, aujourd’hui en exil, est visé par de lourdes charges : crimes de guerre, crimes contre l’humanité, massacres de civils.
Mise en place d'une communion spéciale
À l'issue d'une séance tenue à huis clos lors de la plénière du 15 mai dernier, le Sénat a mis en place une commission spéciale pour approfondir les discussions sur cette requête conformément aux dispositions de l'article 224 alinéa 2 de son Règlement d'ordre intérieur qui stipule qu'« en cours de session, pour toute demande d'autorisation aux fins d'instruction, de poursuites, de levée d'immunité parlementaire ou de suspension des poursuites déjà engagées à charge d'un Sénateur, l'Assemblée plénière, après débat à huis clos, constitue une commission spéciale chargée de l'examen dudit réquisitoire.»
Le processus s'annonce encore long
Cette commission spéciale mise en place par le Sénat, qui dispose de 72 heures pour soumettre son rapport, devra examiner les implications juridiques et politiques de cette levée d'immunité de Kabila, sans fragiliser la cohésion nationale.
« Mais même si le Sénat venait à approuver la levée de l'immunité, la procédure ne serait pas encore achevée. Car Joseph Kabila est à la fois sénateur à vie et ancien président de la République. Or, la levée de l’immunité pour un ancien chef de l’État nécessite une autorisation du Congrès, c’est-à-dire une réunion conjointe des deux chambres du Parlement. « On ne peut pas dissocier les deux statuts », a expliqué un spécialiste interrogé par RFI.
Procédure aux avis divergents !
Cette démarche de levée d'immunité de Kabila engendre les débats houleux.
Selon le ministre de la Justice, Constant Mutamba-auteur de cette démarche-, Kabila sera poursuivi en qualité de Sénateur à vie et non comme ancien président de la République, pour de faits présumés : crimes de guerre, crimes contre l’humanité, massacres de civils, en lien avec l'agression rwandaise.
Cependant, d'après la sénatrice honoraire, Francine Muyumba, « les immunités de l’ancien Président Joseph Kabila lui sont accordées en vertu de son statut d’ancien Chef de l’État, et non en tant que sénateur élu. Le Sénat n’a donc aucune base légale pour révoquer une protection qui découle d’une loi spécifique relative aux anciens présidents », a-t-elle précisé.
Lors de la recente plenière, selon les sources parlementaires, les débats ont mis en lumière des tensions palpables au sein de l'Assemblée. D'un côté, certains sénateurs plaident en faveur de la levée de l'immunité, arguant que cela est nécessaire pour faire la lumière sur des accusations graves portées contre l'ancien président. De l'autre, un groupe de sénateurs invoque l'article 224 du règlement intérieur (RI) du Sénat.
A contrario, « l'article 224 du RI du Sénat qui prévoit la procédure à suivre en vue de procéder à la levée des immunités des Sénateurs ne stipule, en aucun de ses paragraphes, que la levée des immunités du Sénateur à vie doit passer par un vote du Congrès.», a mis au point Frédéric Bola, acteur politique et ancien magistrat, affirmant haut et fort que « ceux qui soutiennent cette thèse de la levée des immunités par le Congrès qui serait tirée de l'article 224 du RI du Sénat sont dans l'erreur absolue.»
Au quartier général de la famille politique de Kabila, le Front commun pour le Congo (FCC), a, dans un communiqué publié récemment, souligné que « non assise sur le moindre indice d’actes repréhensibles, cette tentative d’ouverture de poursuites judiciaires contre le président de la République honoraire est la dernière en date d’une longue série de provocations, délibérément orchestrées, pour essayer, sans succès, de pousser ce dernier à descendre du piédestal d’homme d’Etat sage, respectueux de la Constitution et soucieux de la cohésion nationale qu’il est.»
La cohésion nationale en danger !
Au couloir de l'environnement sociopolitique congolais, plusieurs voix s'élèvent pour appeler le président Tshisekedi à suspendre cette démarche. Des activistes et acteurs politiques dont l'opposant Moïse Katumbi mettent en garde contre les conséquences potentielles de cette procédure, estimant qư'elle pourrait compromettre les efforts de paix en cours et fragiliser davantage la cohésion nationale.
« Cette initiative devrait déjà être rejetée par le Sénat au stade de la recevabilité. Un tel acte fragilise davantage l’État de droit et accentue les tensions politiques, à un moment où la RDC a un besoin urgent d’unité et de paix », a déclaré, via un tweet, Francine Muyumba, sénatrice honoraire et membre de la famille politique de Kabila.
Est de la RDC, Kabila, suspect idéal ?
« Nous disposons de preuves »contre Joseph Kabila a rassuré le ministre de l'Intérieur Jacquemain Shabani, lors d'une sortie médiatique.
« Au plan interne, un faisceau de preuves indique nettement que, la coalition M23/AFC bénéficie, également, du soutien de Monsieur Joseph KABILA KABANGE, Sénateur à vie », rencherie l'Auditeur Général près la Haute Cour Militaire LEKULIA BAKUMA Lucien-René, Lieutenant-Général.
Quel sort réservé à Kabila ?
Alors que Kabila est entre le marteau et l'enclume au regard des accusations portés contre lui, le Sénat ouvrira-t-il la voie à la justice ? Qui vivra verra...
Enock Mwaka